REFORME DES RETRAITES. Invitée de France 2jeudi soir, la Première ministre juge la réforme des retraites "indispensable". Elle s'est montrée ouverte à des aménagements sur les carrières longues et l'emploi des seniors.
[Mise à jour du vendredi 03 février2023 à 09h48]"C'est indispensable de mener une réforme pour préserver notre système de retraites par répartition", même si "demander aux Français de travailler progressivement plus longtemps ça n'est pas simple", a affirmé Elisabeth Borne, au micro de France 2 jeudi soir. Lors de cet entretien, la Première ministre s'est dite "ouverte" à des aménagements de certaines mesures d'accompagnement. Elle s'est prononcée en faveur d'un élargissement des possibilités de sanctions contre les entreprises sur la question de l'emploi des seniors. La locataire de Matignon a également promis un débat sur les carrières longues.
La réforme des retraites sera examinée dans sa version initiale dans l'hémicycle lundi prochain. Les députésde la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale n'ont pas réussi à examiner l'ensemble des articles du projet de loi, en raison du trop grand nombre d'amendements déposés, 7 000 au total, dont 6 000 issus des rangs de la Nupes. Les débats, qui doivent durer deux semaines, promettent d'être particulièrement agités, l'exécutif n'étant pas assuré d'obtenir une majorité sur ce texte. Au total, 20 000 amendements ont été déposés, dont plus de la moitié par la France insoumise.
La date limite pour une adoption définitive de la réforme au sein du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS) est fixée au 26 mars. L'exécutifaspire à voirsa réforme appliquée dès la fin de l'été 2023.Ce recul doit êtreprogressif, à raison d'un trimestre par an à compter du 1er septembre 2023 pour la génération née en 1961. Ainsi, l'âge légal devrait s'établir à 63ans et 3mois en 2027 pour la génération 1965, soità la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron.La durée de cotisation, prévue dans le cadre de la réforme Touraine, est maintenue à 43ans,soit 172trimestres. Néanmoinsle texte fixe à 67ans l'âgede départ permettant de toucher une retraiteà taux plein sans qu'une décote vienne réduire le montant de la pension de retraite.
En quoi consiste la réforme des retraites prévue en 2023 ? Résumé
Outre le décalage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, couplé à un allongement de la durée de cotisation, le projet de réforme des retraites prévoit plusieurs mesures. En voici l'essentiel :
- Le minimum de pension de retraitesera revalorisé à hauteur de 85% du Smic dès cette année:cette mesure concerne tous les retraités actuels et futurs ayant effectué une carrière complète au Smic.Les pensions les plus basses, soit deux millions de petites retraites, seront donc revalorisées à hauteur de 100euros par mois à compter du mois de septembre 2023 (25 euros au titre de la pension minimum de base et 75 euros au titre de la majoration du minimum de pension).
- L'amélioration du dispositif de carrières longues : la retraite sera possible dès 58ans pour les personnes ayant commencé à travailleravant 16ans. L'âge légal sera fixé à60ans pour les personnes qui se sont lancé dans la vie active avant 18ans. Pour celles et ceux qui ont commencé à travailler avant20 ans, il sera possible de partir à 62ans. Les départs anticipés seront accordés à condition d'avoir cotisé 4à 5trimestres avant le plafond d'âge.
- Une meilleure prise en compte de la pénibilité: pour ce faire, l'exécutif a annoncé un renforcement du suivi médical, des possibilités de départs anticipés, la création d'un fonds de prévention doté d'un milliard d'euros et l'amélioration du compte professionnel de prévention (abaissement des seuils de travail de nuit et en équipes successives alternantes, création d'un congé de reconversion professionnelle).
- Particularité en cas d'invalidité ou d'inaptitude: les travailleurs en invalidité et en inaptitude verront leur seuil de départ à taux pleinfixéà 62ans.
- Prise en compte des congés parentaux : désormais les congés paternité et maternité seront comptabilisés dansle calcul de la retraite et les aidants familiaux bénéficieront de validation de trimestres.
- La fin des régimes spéciaux (IEG, Banque de France RATP ect...) :cette mesure touchera que les nouveaux embauchés à partir du 1er septembre 2023 dans les professionsconcernés. Ainsi les salariés actuels ou recrutés avant le 1er septembre 2023 conserveront les avantages liés à leur métier et ne seront pas affiliés au régime général de retraite. Ce dispositif permettant ces exceptions est baptisé "la clause du grand père" ou "clause d'antériorité".Néanmoins, les actifs bénéficiaires des régimes spéciaux sont tout de même impactéspar le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite, cette question devant faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux.
- Maintien de certains régimes spéciaux : les pompiers, policiers ou aides-soignantspourront continuer à partir plus tôt à la retraite.
- La création d'un index sur l'emploi des seniors : toutes les entreprises de plus de 300salariés devront renseigner, à compter de fin2024, sur un index public leur taux de recrutement et d'emploi des employés seniors. La mesure sera obligatoire dès cette annéepour les entreprises de plus de 1000salariés. Un refus entrainera une sanction financière équivalente à 1% du coût de la masse salariale de l'entreprise en question.
- Faciliter les retraites progressives : amélioration du dispositif de retraite progressive et élargissement aux employés de la fonction publique.
- Cotisation supplémentairegrâce au cumul emploi-retraite : cette particularité ouvrira desdroits supplémentaires à la retraite, validera les trimestre et permettra ainsi de revaloriser le montant de la pension du retraité.
- Contribution supplémentairedes employeurs : en contrepartie de cet effort de la part des entrepreneurs, la cotisation au régime des accidents du travail et des maladiesprofessionnelles sera abaissée.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur les mesures de la réforme, consultez notre dossier dédié:
Qui sera concerné par la réforme des retraites?
La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Ces derniers sont partis en retraite à 62 ans comme le stipule actuellement la loi. Le gouvernement ayant retenu la piste d'un report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, la génération née en 1968 devrait être la première concernée, la génération née en 1961 devant partir à 62 ans et trois mois à compter du 1er septembre. Voici à titre indicatif le dispositif prévu :
- Génération née entre le 1er janvier et le 31 août 1961 : 62 ans, pour une durée d'assurance requise fixée à 168 trimestres
- Entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 : 62 ans et trois mois, pour 169 trimestres de cotisation
- Génération 1962 : 62 ans et 6 mois (169 trimestres de cotisation)
- Génération 1963 : 62 ans et 9 mois (170 trimestres)
- Génération 1964 : 63 ans (171 trimestres)
- Génération 1965 : 63 ans et 3 mois (172 trimestres)
- Génération 1966 : 63 ans et 6 mois (172 trimestres)
- Génération 1967 : 63 ans et 9 mois (172 trimestres)
- Génération 1968 : 64 ans (172 trimestres)
- Génération 1969 : 64 ans (172 trimestres)
- Génération 1970 : 64 ans (172 trimestres)
- Génération 1971 : 64 ans (172 trimestres)
- Génération 1972 :64ans (172trimestres)
- Génération 1973 : 64ans (172trimestres)
A noter : tous les actifs ne seront pas concernés par l'âge légal fixé à 64 ans.Certains continueront à bénéficier de dispositifs leur permettant de partir à la retraite manière anticipée. Sont concernés :
- Ceux qui ont commencé tôt : ils vont pouvoir continuer à profiter du dispositif carrières longues (lire plus bas)
- Les personnes invalides ou en inaptitude : elles pourront partir à la retraite à partir de 62 ans
- Les personnes victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles : jusqu'à deux ans avant l'âge légal
- Les personnes en situation de handicap : il sera possible de partir dès 55 ans, à condition d'avoir cotisé un nombre minimal de trimestres.
- Les travailleurs exposés à l'amiante :ils bénéficient d'un départ anticipé dès 50 ans
Où dénicher le simulateur de la réforme des retraites?
Le site Info-retraite permet de déterminer si vous êtes concerné ou non par la réforme des retraites, grâce à un simulateur.Vous devez renseigner votre activité professionnelle, ainsi que votre année de naissance.Enfin, vous devez préciser si vous avez acquis des droits à la retraite avant l'âge de 20ans.
L'exécutif estime que la réforme des retraites est nécessaire afin d'assurer la pérennité du système de retraite par répartition. Ce dernierrepose sur la solidarité intergénérationnelle, c'est à dire que les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités actuels.Or, le nombre de retraités croît plus rapidement que le nombre d'actifs, sous l'effet de l'allongement de l'espérance de vie. D'après l'INSEE, en 2040, il y aura1,5cotisant pour un retraité, contre 4cotisants pour un retraité en 1980. Par conséquent, le gouvernement préconise de faire travailler les Français plus longtemps afind'augmenter les cotisations pour "sauvegarder un système de retraite en danger", comme l'ont martelé à de multiples reprises, le président de la République, la première ministre et plusieurs membres du gouvernement.
Ce constat est partagé, en partie, par le dernier rapport duConseil d'Orientation des Retraites (COR) publié en septembre 2022. Dans l'ensemble des scénarios envisagés par le COR - qui défini ces prévisions selonplusieurs facteurs économiques comme le taux de chômage et le Produit Intérieur Brut - le système de retraite, en l'état actuel, deviendrait "potentiellement déficitairejusqu'en 2039". Néanmoins le rapport du COR n'indique pas que le système de retraite français est "en danger" ou qu'une réforme de l'âge légal de départ en retraite est nécessaire à sa sauvegarde, comme l'affirme l'exécutif. "Les résultats du rapport ne valident pas le bien fondé des discours qui mettent en avant l'idée d'une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite" lit-on dans le document.
Les femmes seront-elles pénalisées par la réforme des retraites?
Tout comme les hommes, les femmes seront contraintes de travailler plus longtemps, en raison du décalage de l'âge légal de départ à la retraite à 64ans."Elles sont un peu pénalisées par le report de l'âge légal, on n'en disconvient absolument pas", a reconnu, gêné, sur Public Sénat le ministre desRelations avec le Parlement, Franck Riester, le 23janvier dernier."Les femmes sont plus touchées par le décalage de l'âge de la retraite parce qu'elles sont moins fréquemment en situation de carrière longue que les hommes", a expliqué l'économiste Michaël Zemmour, maître de conférences à l'université Panthéon-Sorbonne, auprès de France info.
Que prévoit la réforme des retraites pour les carrières longues?
Ce dispositif permet à ceux qui ont débuté leur vie active tôt de bénéficier d'un départ à la retraite anticipé. Voici ce qui change avec la réforme des retraites:
- Début de carrière avant 16ans: départ à compter de 58ans
- Début de carrière avant 18ans: départ à compter de 60ans
- Début de carrière avant 20ans: départ à compter de 62ans, à condition d'avoir cotisé 5trimestres avant l'âge de 20ans.
Que prévoit la réforme des retraites pour les fonctionnaires?
Les fonctionnaires, comme les salariés du privé, seront concernés par le recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64ans.Si les catégories actives voient leurs durées de service inchangées, elles verront aussi leur âge de départ relevé. Les agents de la fonction publique pourront bénéficier du dispositif de retraite progressive.Le calcul de la pension basé sur les six derniers mois de traitement, lui, ne changera pas.
La réforme des retraites va t-elle mettre fin aux régimes spéciaux?
Cet automne, l'exécutif et les partenaires sociaux ont planché sur la question des régimes spéciaux. Pour rappel, la France compte actuellement 37régimes de retraite (régime général, complémentaires, régimes spéciaux). Parmi eux, on dénombre 15régimes spéciaux.Sur les 16,9millions de retraités que compte la France, environ 4,2millions bénéficient de ces particularités, selon laDirection de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES).Il s'agit notamment desagriculteurs, des militaires, desfonctionnaires, des indépendants, des professions libérales... En fonction du régime spécial, les affiliés jouissent de certains avantages au titre de la pénibilité de leur métier.Ils peuvent notamment partir plus tôt à la retraite, cotisent moins longtemps que les travailleurs du régime général, et touchent des pensions de retraites plus élevées.
Dès 2019, le gouvernement avait fait part de son intention de supprimer les régimes spéciauxafin d'aboutir à la création d'un système universel de retraite par points, où chaque euro cotisé donne accès aux mêmes droits pour tous, quel que soit le métier pratiqué. Cette déclaration avait provoqué un tollé chez les cotisants desrégimes spéciaux. Désormais,l'exécutifenvisage de mettre en place la "clause du grand-père": seuls les nouveaux entrants ne bénéficieront pas des régimes spéciaux.
"Cette mesure ne concernera que les nouveaux embauchés, qui seront affiliés au régime général de retraite", a confirmé Elisabeth Borne. A noter: les actifs actuellement affiliés à ces régimes spéciaux - recrutés avant le 1er septembre - seront concernés par le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite, cette question devant faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. Les régimes spéciaux concernés sont les suivants:
- RATP
- Branche des industries électriques et gazières (IEG)
- Clercs et employés de notaires
- Personnels de la Banque de France
- Membres du Conseil économique social et environnemental (Cese)
"Les régimes autonomes (professions libérales et avocats) et ceux répondant à des sujétions spécifiques(marins, Opéra de Paris, Comédie Française) ne seront pas concernés par cette fermeture, complète l'exécutif dans son dossier de presse.Le décalage progressif de deux ans de l'âge légal et l'accélération de la réforme Touraines'appliqueront aux salariés actuels des régimes spéciaux mais en tenant compte de leurs spécificités."
Vers une meilleure prise en compte de la pénibilité?
Caissières, ouvriers de l'industrie ou du BTP, agents d'entretien, aides à domiciles, gardiens d'immeubles, infirmières… Dans le privé comme dans la fonction publique, beaucoup de métiers sont soumis à des conditions de travail difficiles.Dans sa réforme, le gouvernement affirme vouloir prendre davantage en compte la pénibilité au travail afin de permettre aux professionnels de partir à la retraite avant l'âge légal.
Avec le C2P (compte professionnel de prévention)la loi permet actuellement aux salariés d'accumuler des pointsselon leur exposition à 6critères de pénibilité:le travail de nuit, en équipes alternantes, enmilieu hyperbare (sous l'eau), les gestes répétitifs ou encore les expositions aux bruit et aux températures extrêmes (froides ou chaudes). S'ils sont soumis à un ou plusieurs de ces critères de pénibilité les salariés obtiennent des points et peuvent les dépenser pour se former, passer à temps partiel, ou partir plus tôt à la retraite.
Il est possible d'accumulerjusqu'à 8points dans une année, et 10sont nécessaires pour avancer sa retraite d'un trimestre. Néanmoins, il est impossible de cumuler plus de 100points dans une carrière, d'autant que les20premiers doivent obligatoirement être dédiés à la formation. Un maximum de 80points peut donc être utilisé pour partir plus tôt, ce qui représente seulement 8trimestres, soit deux années de retraite gagnées. A ce jour, seules 9596personnes ont pu utiliser leur C2P pour anticiper leur départ à la retraite, selon les données transmises par le ministère du Travail. Le dispositif bénéficie donc à très peu de travailleurs.
Afin d'améliorer la prise en compte de la pénibilité, le gouvernement a annoncé quatre mesures:
- Un renforcement du suivi médical
- Des possibilités de départs anticipés pour les actifs ayant eu des métiers pénibles
- La création d'un fonds de prévention doté d'un milliard d'euros
- L'amélioration du compte professionnel de prévention.
Quel est le calendrier de la réforme des retraites?
Présentée lors d'une conférence de presse le 10janvier 2023, la réforme des retraites doit désormais démarrer son parcours législatif.Voici les échéances à retenir:
- 23janvier: le texte a été validé par le Conseil des ministres
- 6février 2023: début de l'examen dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale, dans le cadre du budget de la Sécurité sociale rectificatif
- 26mars 2023: fin des débats au Parlement
- 1er septembre 2023: entrée en vigueur de la réforme des retraites